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SOUS SURVEILLANCE
Un thème cher à Redford
Ce neuvième long métrage de Robert Redford, adapté du roman de Neil Gordon paru en 2003, rappelle par certains aspects le précédent film du réalisateur, La Conspiration (2010). En effet, tous deux se centrent sur un personnage moralement ambigu confronté à son passé et aux décisions qu’il a prises, en étant aidé par un homme qui cherche à découvrir la vérité.
Redford acteur/réalisateur
Robert Redford, qui officie en tant qu’acteur et réalisateur pour Sous surveillance, confie ne pas toujours être à l’aise avec cette double fonction : « Je pense qu’il faut être schizophrène, mais de manière contrôlée. Je ne suis pas particulièrement attiré par le fait de jouer dans un film tout en le réalisant », déclare-t-il, en poursuivant : « Lorsque je joue, j’aime être libre, et lorsque je mets en scène, j’aime avoir la liberté d’observer la situation à la manière d’un chef d’orchestre. Au lieu d’être un unique instrument, on regarde comment tous s’accordent ensemble pour créer une histoire. »
L’histoire avant tout
A l’heure où les blockbusters dominent le box office, Robert Redford a exprimé son envie de revenir à un cinéma plus traditionnel avec Sous surveillance, privilégiant ainsi l’histoire et le jeu des acteurs par rapport aux effets spéciaux sensationnels : « Le côté « spectaculaire » de ce film provient des interactions explosives entre les personnages – cela nous renvoie à une époque antérieure du cinéma », explique le réalisateur. « De nos jours, c’est la technologie qui est le moteur de toute l’histoire, et l’histoire n’est pas très développée, mais il y a énormément d’action et c’est extrêmement distrayant. Tout cela n’existait pas dans les années 1970. C’était une époque où l’histoire occupait une place prédominante, et c’est justement ce qui me plaît. Aujourd’hui encore, je pense être davantage attiré par cet aspect humaniste du cinéma. »
Entre réalité et fiction
Réputée pour son activisme politique, Julie Christie a reconnu quelques similitudes avec son personnage de Mimi Lurie dans Sous surveillance : « Mimi possède une incroyable intégrité. Je parlerais même d’une intégrité « douloureuse », car être intègre est une entreprise douloureuse », déclare la comédienne.
Une histoire familière pour certains
En s’attaquant au « Weather Underground » (un collectif américain de la gauche radicale) et à l’histoire récente des États-Unis, les acteurs Robert Redford et Richard Jenkins ont tous deux exprimé leur intérêt de jouer dans un film dont l’époque et l’histoire leur sont familières. Redford se souvient : « J’avais beaucoup d’amis engagés. J’ai vu ce qui se passait, j’ai pu en apprécier les bons côtés. Ils ne voulaient pas faire une guerre à laquelle ils ne croyaient pas, ils se sont donc rebellés. J’étais solidaire de leur combat, mais je n’y ai pas pris une part active. »
Des « artistes » au sein de l’équipe
A l’instar des acteurs présents au casting de Sous surveillance, l’équipe technique compte nombre de collaborateurs de renom. On peut ainsi noter la présence de Laurence Bennett, chef décorateur réputé et directeur artistique de The Artist, pour lequel il a été nommé aux Oscars, ainsi que le compositeur Cliff Martinez, fidèle complice de Steven Soderbergh (Sexe, mensonges et vidéo, Kafka, Traffic), auquel on doit également les bandes originales de Drive et Spring Breakers.
Un talent prometteur
La fille de Robert Redford dans Sous surveillance est jouée par Jackie Evancho, une petite prodige de 12 ans révélée grâce à sa voix dans l’émission de télé-crochet américaine America’s Got Talent, dont elle a tiré une notoriété fulgurante.
HANNAH ARENDT
Hannah Arendt en quelques mots
Hannah Arendt, née en 1906 et décédée en 1975, était une philosophe juive allemande, qui a notamment eu pour professeurs Edmund Husserl et Martin Heidegger. Suite aux événements du début des années 1940, elle a émigré vers les États-Unis. Sa pensée philosophique se décline autour de problématiques telles que la révolution, le totalitarisme, la culture ou la modernité, éléments qui régissent le fonctionnement en société. Elle est notamment connue pour son étude sur ce qu’elle a elle-même qualifié de « banalité du mal », concept qui ressort de son rapport sur le procès du criminel de guerre nazi Adolf Eichmann. Le procès, qui s’est déroulé en 1961, est par ailleurs le moment sur lequel se focalise le film : « Le film se concentre sur les quatre années tumultueuses pendant lesquelles les vies d’Hannah Arendt et d’Adolf Eichmann se sont croisées, l’impact historique et les répercussions émotionnelles de cette expérience », précise la réalisatrice Margarethe Von Trotta.
Arendt et la banalité du mal
La « banalité du mal » est un concept inventé et développé par Hannah Arendt dans le rapport qu’elle a réalisé à partir du procès Eichmann, auquel elle a assisté en 1961 à Jérusalem. Cette notion, à l’époque, a créé la polémique, certains analystes l’ayant interprétée comme une justification des atrocités commises par l’officier nazi. Or, ce que la philosophe a voulu exprimer par cette idée, c’est que Eichmann était un homme terriblement banal, qui a commis toutes ces atrocités par devoir et obéissance envers le régime nazi, sans se poser de questions. En rien, cette approche ne cherche à excuser l’abomination de ces actes : « chercher à comprendre ne signifie par pardonner » (cf. Hannah Arendt dans le film).
Filmer la pensée
L’un des enjeux notables du film Hannah Arendt tient du fait que sa protagoniste, la célèbre philosophe, se caractérise par quelque chose d’insaisissable à l’image : la pensée. « Je voulais me confronter aux problématiques liées à la réalisation d’un film sur une philosophe. Comment regarder, filmer une femme dont l’activité principale est la pensée ? », indique Margarethe Von Trotta.
La femme derrière la philosophe
Avec son film, Margaretha Von Trotta a cherché à s’intéresser à la personnalité d’Hannah Arendt en tant que philosophe en accord permanent avec ses opinions, mais pas seulement. Elle explique : « Je voulais également essayer de découvrir la femme qui se cachait derrière cette grande philosophe indépendante. En tant que juive, elle a dû quitter l’Allemagne, et c’est ainsi que son histoire rejoint un thème récurrent dans mes films: comment une personne réagit-elle face à des évènements historiques et sociaux sur lesquels elle n’a aucune influence ou maîtrise ? »
Travail préliminaire
La réalisatrice, afin de s’immerger au mieux dans l’univers de la philosophe, a lu ses ouvrages et ses correspondances. Elle a également rencontré de nombreuses personnes l’ayant côtoyée, et recueilli leurs témoignages respectifs.
L’histoire d’amour avec Heidegger
« Heidegger était le premier amour d’Hannah et elle est restée en contact avec lui malgré son adhésion au parti Nazi », raconte Margarethe Von Trotta. La cinéaste a décidé de faire allusion à cette histoire d’amour par le biais de flashbacks.
Le personnage d’Heinrich Blücher
Heinrich Blücher est, si l’on excepte son premier amour Martin Heidegger, l’homme de la vie d’Hannah Arendt. Ils se sont rencontrés à Paris, et ont ensuite fui le régime nazi, à travers l’Europe puis à New York. Ils se sont mariés assez rapidement et ont vécu ensemble pendant près de 35 ans, jusqu’au décès de Blücher.
Ensemble dans l’adversité
Alors qu’elle était attaquée pour son rapport sur le procès Eichmann, Hannah Arendt a reçu un soutien très appuyé de la féministe et écrivain américaine Mary McCarthy, interprétée par Janet McTeer. Cette dernière était elle-même l’objet de beaucoup de jugements négatifs à propos de sa nouvelle Le Groupe parue en 1963. La correspondance entre les deux femmes a par ailleurs été publiée. A la mort d’Hannah Arendt, en 1975, c’est son amie qui a terminé son dernier ouvrage inachevé La vie de l’Esprit.
Une équipe féminine
Sans être pour autant féministe, l’équipe du film est en majeure partie composée de femmes : la réalisatrice Margarethe Von Trotta, d’une part, mais aussi sa co-scénariste Pamela Katz, ainsi que la directrice de la photographie Caroline Champetier, la chef-monteuse Bettina Böhler et la productrice Bettina Brokemper.
Collaboration
Hannah Arendt marque la quatrième collaboration au cinéma entre la réalisatrice Margarethe Von Trotta et l’actrice Barbara Sukowa. Auparavant, la première a dirigé la seconde sur trois films : Les Années de plomb en 1981, Rosa Luxemburg en 1986, et Vision – Aus dem Leben der Hildegard von Bingen en 2009. Égérie du Nouveau cinéma allemand, Barbara Sukowa a également travaillé avec Rainer Werner Fassbinder et Volker Schlöndorff, deux chefs de file du courant.
Festivals
Le film Hannah Arendt a été présenté parmi la sélection officielle du Festival International du Film de Toronto. De plus, le long métrage a remporté plusieurs prix au Festival du Film d’Histoire de Pessac, dans le sud-ouest de la France.
Importance des images d’archives
De l’avis de la réalisatrice, « on ne peut montrer la vraie « banalité du mal » qu’en observant le vrai Eichmann. Un acteur ne peut que déformer l’image ». Aussi, cette dernière a-t-elle décidé d’utiliser les images d’archives, en noir et blanc, lorsqu’il s’agit de le représenter. Ces images proviennent du procès qui s’est déroulé à Jérusalem en 1961. A noter qu’après Nuremberg, en 1945-46, le procès d’Adolf Eichmann est le second grand procès au cours duquel la présence de caméras a été autorisée. Pour intégrer les images d’archives au récit, Margaretha Von Trotta a choisi de filmer les scènes de la salle d’audience depuis la salle de presse où elles étaient retransmises, et où il semblait crédible que se trouve Hannah Arendt, qui était une grande fumeuse. Pour l’unique séquence qui se déroule dans la salle d’audience, l’acteur qui incarne Eichmann n’est montré que de dos.